Rencontre avec ma solitude,
J’ai voulu cette solitude au fond
de laquelle j’ai espéré trouver quelque chose de plus essentiel à mes yeux et à
mon idée sans savoir exactement ce que cela pouvait être ni ce que cela pouvait
représenter. Alors, puisque maintenant elle est là, je ne peux la répudier
cette solitude. Elle était mon désir profond depuis si longtemps, je l’ai tant
attendue, je ne peux lui faire faux bond, j’en ai bien assez fait par ailleurs.
Je l’avais jusqu’à présent à peine frôler. Elle est là dorénavant, je reconnais
sa présence entière, elle fait corps avec moi, elle m’a un temps effrayé mais
je l’accepte enfin comme partie intégrante de moi-même. Je la découvre, à doux
et petits pas, et nous nous adoptons
mutuellement. Nous nous apprécions, nous nous aimons, non pas d’un amour
exclusif, non ! il reste de la place pour l’Autre, beaucoup de place, de
plus en plus de place. Nous nous voulons du bien, nous nous faisons du bien. Je
ne me « fais » pas à ma solitude ni ne la conquière, ni ne l’organise,
je ne suis pas son chef ni elle le mien sinon, nous nous fuirions mutuellement.
Vivre la solitude n'est pas vivre
seul, c'est vivre avec soi-même en paix, avec les autres, avec Dieu, celui
qu’on veut, notre unité interne. Je vénère cette solitude qui désire la
perfection autant pour elle que pour moi. Elle n'est pas qu'amour de soi, loin
de là. Elle passe par cette acceptation inéluctable d’une situation qui n'est
pas celle de l’Autre, car chacun a son propre cheminement, ses singularités,
ses particularités. C'est mon chemin de vie qui m’a conduit là où je suis et je
conduis ma solitude autant qu’elle me conduit vers des félicités
intérieures détachées des scories du passé et des mirages du futur. Etre
présent au présent ! Je fabrique, par quelque mystérieuse alchimie dont moi
seul ai la recette (et encore), un futur ordinaire et extraordinaire autant que
non ordinaire et non extraordinaire, mais futur surtout de plénitude par la
reconnaissance de soi, de l'univers proche et lointain dans la toute tranquillité
de l'Esprit et, cette recette, je suis prêt à la communiquer, chacun la recevra
et l’agrémentera à sa façon.
La solitude n'est pas résignation
du seul, elle invite à l'écoute. Ecoute du Corps, du Cœur, de l'Âme et de l'Esprit.
Ces quatre parties de mon Être forment un tout cohérent lorsque je les mets en
phase les unes avec les autres, lorsque je les accorde entre elles comme on
accorde un instrument de musique qui participera à l’unisson d’un orchestre.
Ainsi je ne suis jamais seul avec moi-même autant que ma solitude ne l’est
jamais avec elle-même.
Craindre sa solitude c’est
abandonner les trésors d’incertitude qu’elle nous offre, ceux de nos failles et
de nos saillies les plus belles. Chacun qui s'y adonne ne se coupe pas du monde
qu'elle apprécie d'autant plus qu'il est vivant en elle.
La solitude nous fait découvrir
un diamant : le solitaire, dans toute la splendeur de son éclat, qui ne
connaît pas l'esseulement. Lumineux, il se rencontre au creux d’un sentier ou
d’un fauteuil, il contemple des paysages : la ville et ses rumeurs, la
campagne et ses chuchotements, le Cosmos et ses rebondissements. Le solitaire a
toute liberté de développer sa clairvoyance et sa clairaudience.
Je me distrais « avec »
ma solitude et non « de » ma solitude, je ne la fuis plus. Elle
devient une compagne, nous voyageons ensemble et nous rencontrons d’autres
solitudes qui toutes résonnent au même.
Ce ne sont pas des solitudes qui s’affrontent, mais au contraire qui se complètent et s’initient
à l’échange de l'instant, anges du partage.
Ma solitude connait encore des angoisses de ce nouveau mariage toujours fragile mais loin d’être
forcé, elle apprend à les dissoudre,
elles ne sont jamais que des poussières de nuages, qui passent, poussées par le vent du réel et du
renouvellement.
La solitude ne connait pas le
manque, elle se suffit de peu, elle est fine et légère, jamais encombrante.
Elle s’organise toute seule sans rejeter l’aide et le conseil de quiconque. Je la
cueille au jaillissement de sa volonté et nous créons ensemble cet enchantement
de la fécondation et de l’enfantement, ces instants d’émerveillement unique où
le un rencontre le multiple. Nous ne faisons partie d’aucun groupe, nous en
sommes un à nous deux et pour cette raison nous résonnons avec tous.
La solitude est une fête intérieure
qui oublie les rancœurs et les revanches. Elle porte haut les couleurs de
l’espérance des âmes déchirées qu'elle invite au recueillement, à la prière : vide que seul le souffle impalpable remplit… et vide.
Elle n’est pas la figure égotique/égocentrique d’une âme en déshérence aux
abords de la chute dans l’oubli et la mort. Elle n’est pas réparatrice mais un
« espace » de réparation dans lequel évoluent et se défont les
trop-pleins d’émotions, les rêves inutiles et les espoirs déçus. Elle vivifie
les trames subtiles des univers intérieurs et pour cela je la salue. Elle
est la bienvenue, elle sait qu'elle est ici chez elle et que je suis aussi chez moi.