lundi 24 septembre 2012

Commune présence - René Char



Commune présence



Tu es pressé d'écrire comme si tu étais en retard sur la vie. S'il en est ainsi, fais cortège à tes sources.
Hâte-toi ! Hâte-toi de transmettre ta part de merveilleux, de rébellion, de bienfaisance.
Effectivement tu es en retard sur la vie, la vie inexprimable, la seule en fin de compte à laquelle tu acceptes de t'unir, celle qui t'est refusée chaque jour par les êtres et par les choses dont tu obtiens péniblement de-ci de-là quelques fragments décharnés au bout de combats sans merci. Hors d'elle, tout n'est qu'agonie soumise, fin grossière.
Si tu rencontres la mort durant ton labeur reçois-là comme la nuque en sueur trouve bon le mouchoir aride, en t'inclinant si tu veux rire. Offre ta soumission, jamais tes armes.
Tu as été créé pour des moments peu communs, modifie-toi, disparais sans regret
au gré de la rigueur suave. Quartier suivant quartier, la liquidation du monde se poursuit sans interruption, sans égarement.
Essaime la poussière, nul ne décèlera votre union.

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